Les Vies de Léon, une pièce au croisement du théâtre et du numérique
03 juillet 2025 par Sofiane Kolli

Les Vies de Léon, une pièce au croisement du théâtre et du numérique

Le théâtre. Des acteur.ices sur scène qui récitent un texte. On applaudit. Rideau. Mais lorsque quelques metteur.euses en scène explorent le vaste monde du numérique, une expérience encore plus immersive se dessine.

Modification de jeu, modification de sens

Les Vies de Léon est une expérience théâtrale immersive et originale, conçue pour tous les âges. Elle nous entraîne avec sensibilité au cœur de la Seconde Guerre mondiale, à travers le parcours du jeune Léon et ses multiples exils. Grâce à un dispositif d’écoute innovant basé sur la technologie du son binaural, nous suivons Léon depuis la Belgique et partageons son parcours de 1929 à 1950. Enfant puis jeune adulte, il tente d’échapper aux persécutions antisémites en traversant plusieurs pays.

Ça ouvre des possibles, ça c’est sûr. Mais pour que ça fonctionne, le numérique doit entrer en cohérence avec le sujet” explique Julie Bertin, l’une des deux metteuses en scène des Vies de Léon. Avec Jade Herbulot et deux acteurs, Loïc Riewer et Pierre Duprat, le Birgit Ensemble a travaillé main dans la main avec Radio France afin d’offrir une pièce de théâtre en son binaural. 

© La Général de Production / David Fugère

La trame semble sortir de nos livres d’histoire. L’exil singulier de milliers de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Léon, originaire de Pologne, fuit avec sa famille en Belgique, puis est contraint de rejoindre la France, l’Espagne, et enfin décide d’embarquer vers la Palestine. Des pérégrinations inspirées de faits réels, après recoupement de documents d’archives exhumés par l’historien Laurent Joly. Et avec Léon, un personnage qui ne le quitte jamais : une statue, à laquelle un système de prise de son binaural a été intégré (la fameuse tête binaurale).

Dès la conception de la pièce, il y a eu une prise en compte de ce dispositif qui peut être contraignant. Il fallait en faire un personnage à part entière. Cette tête devient presque un troisième acteur”, me confie Julie. Et pour cause, les comédiens eux-mêmes devaient jouer avec. S’ils parlent à jardin, le son arrivera dans notre oreille gauche. S’ils parlent à cour, c’est la droite qui entendra. Et surtout, s’ils portent la voix, c’est nos tympans qui exploseront : “c’est une réelle contrainte de jeu. Il faut jouer très fin, comme au cinéma”, me décrit Pierre, celui qui joue tous les rôles, excepté celui de Léon.

Technique et numérique dans les oreilles

Sur le plan technique, l’enjeux était de taille : “il fallait acculturer les metteuses en scène et travailler avec elles sur la voix spatialisée”, raconte Frédéric Changenet, ingénieur du son et responsable de projet innovation audio à Radio France. Choisir un dispositif sonore est un défi en lui-même. Pour Les vies de Léon, des casques audio étaient présents sur chaque siège, transporté de scène en scène pour la tournée de la pièce de théâtre. “C’est voir comment faire exister l’absence en présence” ajoute Frédéric. Les modalités pour l’innovation sonore peuvent cela dit être multi formes. A venir dans de prochaines pièces théâtrales, peut-être : enceintes positionnées tout autour de la salle, déambulation du public pour que des sons se déclenchent en fonction du positionnement de la personne dans l’espace…

© La Général de Production / David Fugère

Pour Les Vies de Léon, nous retenons la performance technologique comme théâtrale : du grandiose. Aucune latence, un son parfait, un jeu expressif. Nous nous sommes laissés bercer par la forte immersion que permet le dispositif, l’écriture et le jeu.

Photo à la Une : © La Général de Production / David Fugère