Alessi Rose : de la viralité à une communauté
Depuis l’essor de TikTok, il devient de plus en plus facile de percer dans la musique avec une mélodie accrocheuse, des paroles marquantes ou une danse simple à reproduire. Mais comment fidéliser son public ? Comment transformer une vidéo virale en carrière durable, avec une communauté qui streamera les chansons, achètera les albums et viendra en concert ?
Le monde de la musique bouleversé par les réseaux sociaux
Autrefois, pour percer dans la musique, il fallait presque toujours une maison d’édition ou un label, d’abord pour les contacts, mais aussi et surtout pour l’aide financière. Devenir connu demandait du temps, du budget ou du réseau. Aujourd’hui, avec un micro et un téléphone, il est possible d’avoir un clip qui explose sur les réseaux sociaux. Si la viralité est facile, la fidélité, elle, se mérite. Beaucoup d’artistes émergent, puis disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus. Tout le monde peut percer, mais qui va rester ?
Pour cultiver une certaine proximité avec leurs fans et promouvoir leur art, les artistes dépendaient il n’y a pas si longtemps des médias traditionnels : articles dans les journaux, passages en radio, interviews à la télé… Même si ces techniques de marketing sont encore utilisées, la nouvelle génération d’artistes trouve toujours de nouveaux moyens de se rapprocher des fans et joue sur des terrains beaucoup plus directs et personnels.
Alessi Rose, une chanteuse pro en marketing
C’est un pari qui a été réussi par Alessi Rose, jeune artiste britannique de 23 ans. Seulement 2 ans après la sortie de son premier single et plusieurs vidéos avec plus d’un million de vues sur TikTok, Alessi Rose a su se créer une communauté fidèle et une esthétique très reconnaissable. Mais comment a-t-elle fait ? La réponse est assez simple : une bonne présence sur les réseaux sociaux (et bien sûr, un certain talent musical).
Pour être au plus proche de sa communauté et pour que ses fans puissent s’identifier à elle, Alessi Rose multiplie les formats participatifs : des lives réguliers, beaucoup d’interactions avec ses fans (sur X, Discord, Substack ou TikTok), des hangouts avant ses concerts… Elle a même déjà employé des membres actifs de son public en tant que merch designer ou community manager pour être sûr de répondre aux besoins précis de sa communauté, cultivant une proximité assez rare dans l’industrie. Alessi Rose mise également beaucoup sur l’honnêteté : elle est très transparente dans les paroles de ses chansons, parlant de ses TOCs, de ses auto sabotages et de ses relations avec ses fans, amis et partenaires.
Une chose assez nouvelle que Alessi Rose et beaucoup d’autres nouveaux artistes semblent bien maîtriser : les “Zoom hangouts”. En effet, avant, lorsqu’un artiste commençait à se faire connaître, c’était généralement grâce au bouche-à-oreille, les premiers fans étant du coup plus ou moins dans la même zone géographique que l’artiste. Grâce à la puissance des réseaux sociaux, un artiste peut maintenant toucher des personnes à l’autre bout de la planète ! Avec Zoom, ils peuvent alors facilement interagir aux quatre coins du monde, faire des concerts tout droit de leur chambre et partager les coulisses de leur vie. Gracie Abrams a beaucoup contribué à la popularisation de cette pratique durant le Covid, lorsque les concerts n’étaient plus possibles, et a même reproduit le décor de sa chambre d’enfance durant sa tournée des arènes pour rappeler ses débuts.
Résultats pour Alessi Rose ? Trois EPs, trois tournées en tête d’affiche en Europe et dans deux villes américaines, et des premières parties pour Dua Lipa en Europe et Tate McRae aux États-Unis. Grâce à ça, elle a pu jouer dans des salles et stades iconiques comme le Madison Square Garden ou le Wembley Stadium, en ayant moins de 700k auditeurs mensuels sur Spotify.
Les dérives du parasocial
Le parcours d’Alessi Rose illustre un phénomène plus large : la montée d’une génération d’artistes qui contrôlent tout, de la production à la promotion. La nouvelle génération n’attend plus qu’un label la découvre, mais construit sa propre route, un post à la fois. Cette stratégie repose principalement sur l’accessibilité : pour se créer une communauté, ces artistes vont développer une relation quasiment intime avec leurs premiers fans, en répondant aux DMs, faisant des lives avec eux et repartageant leurs posts sur les réseaux. Cette nouvelle manière d’être artiste est plus directe, participative et communautaire.
Mais cette proximité a un revers : le lien parasocial. Ce besoin constant d’interaction brouille parfois les frontières entre fan et ami. Où s’arrête la sincérité, où commence le marketing ? Comment gérer les dérives du lien parasocial, quand les fans attendent un accès constant à la vie de leur idole ? Beaucoup de jeunes fans sont en quête de nouveaux artistes à écouter seulement pour dire qu’ils étaient là en premier, et beaucoup d’artistes jouent sur la carte du “OG (original) fan” pour marketer leur musique.
Entre authenticité et stratégie, la Gen Z invente une autre manière d’exister dans la musique. Dans un monde où tout se joue en 15 secondes, la sincérité et la proximité avec son public restent les seuls moyens de durer, car avec ou sans internet, les fans continuent de vouloir se sentir proches de leurs idoles.