Arts numériques : plus de pinceau, place à l’audio

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Des écrans, des danseurs, les effets hallucinatoires des flashs lumineux stroboscopiques, une musique rock presque expérimentale… Nous sommes en 1966, et Andy Warhol lance la carrière du Velvet Underground, porté par des performances multimédia inédites dans le show Exploding Plastic Inevitable.
Cette même année, dans son film Blow-Up, Michelangelo Antonioni questionne le rapport aux médias de masse alors émergents, et dans son film suivant, le réalisateur demande aux Pink Floyd de mettre en musique l’inévitable explosion de plastique.
C’était le Big Bang d’une synergie nouvelle entre l’image, le son et les médias, qui allait dynamiter les schémas culturels traditionnels, avec l’invention du multimédia, la fin des frontières entre les technologies au profit d’un nouveau processus créatif. 

La scène musicale étendue 

Aujourd’hui, le contraste est saillant : tandis que l’industrie musicale ne se risque que rarement à miser sur de jeunes talents « alternatifs », le reste de l’industrie artistique n’hésite pas à plonger dans l’inconnu de la création du futur. Dans ce contexte, l’innovation sonore se greffe à d’autres formes d’art, se faisant toujours plus hybride. Mais art et technique sont liés, et il n’aura pas fallu attendre DALL-E pour que la science (jusqu’à la physique quantique) rentre dans l’équation créative : avec l’art numérique, le son n’est plus seulement sur scène – il est la scène.

A l’occasion d’une exposition organisée par l’Ars Electronica à Linz, le projet AI Ink a été dévoilé : les visiteurs, après avoir écrit leur état d’esprit des derniers mois, deviennent acteurs d’une œuvre musicale participative composée par une IA, laquelle transforme leur état émotionnel de l’année en une nouvelle version collective du Beau Danube bleu. Pour mettre en image le processus créatif à l’œuvre dans la tête des compositeurs et interprètes, c’est par l’intermédiaire de divers capteurs qu’une IA dessine en temps réel le flux psychique engagé dans l’acte musical.

Dans les musées et les galeries, apparaissent de nouvelles formes d’art qui secouent les cimaises d’institutions à la recherche d’un nouveau souffle. Only Breath, Words est une installation acoustique qui  se fond dans l’infrastructure architecturale spécifique à chaque lieu de culture. Il s’agit d’une performance théâtrale sans acteurs dans laquelle la voix est émise par le bâtiment lui-même – à mesure que son système de ventilation « expire » à travers des sculptures de conduits de fumée que le lieu a inspiré à l’artiste Anna Craycroft.

L’événement organisé par FutureSound, dont la thématique était The Art of Listening, a mis à l’honneur le son 3D en proposant une création en audio spatialisé à écouter les yeux bandés. Lors du même événement, a eu lieu une expérience immersive, par l’artiste Natural Symphony, qui relie des plantes, des cerveaux de visiteurs et des synthétiseurs par l’intermédiaire d’un système de rétroaction biologique. Une collaboration entre l’organique et le synthétique s’opère alors, en offrant aux plantes la possibilité de créer en symbiose avec un humain. 

De nouvelles formes d’art qui questionnent aussi notre rapport à l’information

Quand les arts numériques servent à mieux comprendre le monde et immergent dans une expérience à la croisée de l’art et de l’information, les visiteurs sont invités dans Dataspace à s’immerger virtuellement dans la politique mondiale et économique, dans une ambiance sonore et visuelle sobre et spatialisée. 

Avec l’algoriste (artiste du code) Laurent Malys, il est possible de visualiser en ligne sous forme de réseau de liens hypergraphiques la « constellation bibliographique » issue de douze années du podcast Sur les épaules de Darwin de France Inter. Car l’art numérique se définit non par son support mais son médium ; et en l’occurrence, internet comme les nouveaux médias jouent alors le rôle des galeries, musées et archives.

Nature et cyberculture : l’audio, terreau fertile pour l’art numérique

La photosynthèse permet aux végétaux d’émettre de l’oxygène avec de la lumière. Alors pourquoi ne pas produire Oxygène avec des plantes ? Avec le projet SonoSynthesis, une composition musicale résulte d’une culture de bactéries dans une boîte de Petri – et la prouesse est autant technologique que musicale. Dans le même esprit, l’artiste et chercheur Eryk Salvaggio confie les platines à des champignons : l’IA ne fait pas des androïdes, mais des mycoïdes. 

Pulsations est une série d’installations ayant comme support un arbre. Le concept ? Intégrer un battement de cœur dans des arbres : en posant votre oreille sur l’écorce, vous entendez la pulsation humaine du végétal. Et juste avant qu’un cœur s’arrête de battre, le duo d’artistes Adrien M & Claire B ont relevé le pari de déployer dans l’espace, à travers lumières, danses et sons dynamiques, cette « dernière minute » de vie. Un art qui nous permet de dialoguer de vive voix avec des revenants, ou des fictions, à l’image du projet porté par la BnF Richelieu à Paris et l’artiste Rocio Berenguer, qui donne une voix (et son répondant) au Dom Juan de Molière.

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