Comment construire la radio de demain dans un écosystème audio mondial ?
La newsletter de la radio de demain #304… Abonnez-vous
La startup française Gladia s’apprête à commercialiser un système capable de retranscrire de l’audio en texte, quasiment en temps réel. Souhaitant changer la façon dont les professionnels interagissent avec les données audio, la société a développé une interface de programmation d’application (API) de transcription audio qui repose sur une version perfectionnée de Whisper, le système de reconnaissance vocale d’Open AI. Récemment, l’utilisation d’outils d’IA dans le secteur de l’audio se multiplient : tandis que Microsoft développe un « générateur de rap » alimenté par l’IA, aux Etats-Unis la radio Live 95.5 remplace à mi-temps son animatrice par une version IA d’elle-même. Le développement de ces technologies, couplé à l’influence des plateformes sur le marché, a favorisé l’accès à une offre audio élargie. Du succès du podcast original à la hausse de l’utilisation des assistants vocaux, la voix est constamment au cœur de ces innovations.
Pour ne pas rester spectateur de ces mutations majeures du secteur audio, la RAI – le service public audiovisuel italien –, en collaboration avec le Pôle Médias HEC Montréal, a mené une étude qui propose des pistes de réflexion pour assurer la pérennité de l’industrie. Ces changements se traduisent d’abord par une ouverture des frontières des médias audio : désormais, l’accès à la production sonore se démocratise et constitue un espace accessible à plus grande échelle. Par ailleurs, l’ère numérique invite les acteurs du secteur à conquérir d’autres espaces et de nouveaux publics – d’après une récente étude de Médiamétrie, plus de la moitié de la consommation quotidienne de contenus audio s’effectue sur des supports digitaux. Enfin, le marché de l’audio a pris de nouvelles dimensions et le rapport de force entre radiodiffuseurs et GAMMA (Google, Apple, Meta, Microsoft et Amazon) est devenu inégal. Selon l’étude Les habits neufs de la radio, si ces évolutions pourraient fragiliser le média radio, elles le poussent aussi à innover pour survivre dans un écosystème audio mondial.
Miser sur une production locale de l’information
Si la mainmise des géants de la tech sur le marché de l’audio pourrait un jour fragiliser la production locale de l’information, la radio continue de s’y investir et le journalisme local engage des mutations pour se réinventer. Face à une information centralisée qui ne tient pas compte des spécificités géographiques des territoires, la radio s’affirme comme le média de proximité de référence pour les auditeurs. En étant liée à une communauté locale et en répondant à ses besoins, la radio reste le média le plus direct et le plus crédible pour informer la population sur les enjeux locaux.
A ce sujet, le modèle de Radio FreeDom, une radio locale réunionnaise, est intéressant. Ce qui fait le succès de la station est son processus de coproduction de l’information : les auditeurs étant impliqués de manière permanente dans la fabrication des émissions, la radio devient un lieu d’expression privilégié pour les Réunionnais. De nombreuses expérimentations et de nouveaux médias territoriaux axés sur l’audio se développent ainsi chaque année. Par ailleurs, assurer une offre d’information fiable dans des zones rurales (et parfois enclavées) constitue une mission de service public pour réduire les fractures territoriales. Reste pour les antennes locales à s’adapter à la réalité des plateformes et des réseaux sociaux pour assurer leur survie.
Renouveler les contenus et les formats audio
D’après l’étude de la RAI et du Pôle Médias HEC Montréal, une autre piste de réflexion pour penser l’avenir de la radio réside dans l’innovation des contenus et des formats. Le succès des podcasts originaux et l’émergence de nouvelles pratiques d’écoute (une consommation audio à la demande et plus mobile) obligent le média radio à adapter les grilles de programmes, applications et sites web à ces nouveaux formats. Désormais, les radios publiques comme privées proposent un large choix de podcasts originaux sur des thématiques variées. Pour toucher une plus large audience, le média radio combine ainsi deux stratégies, qui répondent à des modes de consommation différents : la programmation linéaire d’un côté et une offre personnalisée de l’autre.
Mais l’innovation ne s’arrête pas au catalogue des contenus audio : pour se réinventer, la radio doit aussi repenser ses choix éditoriaux et les modes de production et de diffusion de ses programmes. Dans un contexte de multiplication de l’offre de contenus audio, la radio a tout intérêt à s’adapter à l’influence des contenus mis en avant par les plateformes pour conquérir un auditorat plus jeune. Cela passe par la production de formats plus courts, au rythme rapide et au ton décontracté, ainsi que par le développement de la vidéo.
Quel avenir pour les missions des médias de service public ?
Face à ces changements majeurs, la radio publique fait face à des défis et des opportunités spécifiques. On a pu en faire à nouveau le constat pendant la pandémie : en temps d’incertitude et d’actualité anxiogène, la radio publique demeure pertinente parce qu’elle est un média de proximité, en lien avec ses auditeurs. A l’ère de la désinformation, les médias de service public constituent un lieu d’éducation, d’échange, de débat, d’expression d’opinions plurielles. D’après l’étude Les habits neufs de la radio, la radio publique devrait aussi s’emparer de deux thèmes qui s’imposent aujourd’hui dans le champ médiatique et politique : l’intelligence artificielle et les données. Il revient aux médias de service public d’être « à l’avant-garde des enjeux éthiques » que soulèvent ces technologies. C’est donc en affirmant ses spécificités que la radio publique pourrait rester pertinente, à l’heure où le mode de financement et les garanties d’indépendance de l’audiovisuel public sont menacés en France.
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