L’actu de l’IA pour la radio, la culture et les médias
02 juin 2023 par Roxanne Natta

L’actu de l’IA pour la radio, la culture et les médias

La newsletter de la radio de demain #301… Abonnez-vous

Une actrice de doublage irlandaise s’est récemment rendue compte que l’entreprise Revoicer, qui propose des voix de synthèse, avait mis sa voix à disposition de ses clients sans l’en avoir informée. Et ce phénomène n’est pas nouveau… Face à l’essor des outils d’IA générative de text-to-speech (avec leurs voix de synthèse de plus en plus réalistes), des acteurs de doublage font part de leur inquiétude d’être remplacés sans obtenir de compensation financière supplémentaire. Ces technologies pourraient mettre les acteurs de doublage dans une position particulièrement précaire puisque, contrairement aux comédiens « d’image », leur absence de notoriété les prive de ressources (et de pouvoir) pour contrôler l’utilisation de leur voix – on se souvient de leur combat dans les années 1990 pour leurs droits.  

Ces dernières semaines aux Etats-Unis, des scénaristes – autre métier moins exposé du cinéma – se sont mobilisés pour obtenir des garanties face à l’utilisation de l’IA générative par les studios américains. En grève depuis le 2 mai, les auteurs de cinéma expriment leur crainte que les chatbots soient utilisés pour écrire la première version des scénarios (qui est la partie d’écriture la mieux rémunérée) et que leur travail serve à entraîner ces technologies. Rappelons que, si ces inquiétudes sont légitimes, les outils tels que ChatGPT ne sont pour l’instant pas capables d’inventer des histoires innovantes et surprenantes. Par ailleurs, ce n’est pas tant l’évolution des capacités de l’intelligence artificielle qui provoque cette levée de bouclier que les potentielles dérives et utilisations malveillantes de ces outils, qui pourraient, par exemple, servir d’excuse aux entreprises pour dévaluer le travail humain.

Un secteur en pleine effervescence : de l’IA plein d’audio

L’évolution des outils d’intelligence artificielle est tellement rapide (et parfois même « effrayante ») que les analyses produites à ce sujet deviennent vite obsolètes. Pour tenter de s’y retrouver, le site Futurepedia recense quotidiennement les nouveaux outils. Du côté des IA conversationnelles, Google a ouvert son chatbot Bard – principal concurrent de ChatGPT – à 180 pays, mais sans la France et les pays de l’Union européenne. Cette ouverture au grand public est un moyen pour Google de s’imposer sur ce marché en tenant tête à son rival Microsoft, qui a récemment intégré ChatGPT-4 à Bing, son moteur de recherche. A ce propos, ChatGPT peut désormais être connecté à Internet et aura bientôt une application dédiée sur Android, après celle rendue disponible pour les utilisateurs d’iPhone.

Si Google semble choisir une approche plus « prudente » – la société n’a pas encore communiqué de date pour l’intégration de son chatbot à son navigateur –, Bard se distingue par sa capacité à répondre aux questions par des images. Dans la même logique, le géant américain vient d’ouvrir au public son outil d’IA musicale MusicLM. Amazon cherche aussi à peser dans cette course effrénée à l’IA générative en développant son propre chatbot et en ajoutant cette technologie à Alexa. Cette profusion de nouvelles solutions et les évolutions permanentes de leurs capacités répondent aux enjeux et besoins actuels. Par exemple, le chatbot Claude est désormais capable de lire un livre en moins d’une minute.

Toujours plus d’outils et d’entreprises, donc, une économie qui se retrouve dopée à l’IA, avec de nombreux acteurs qui atteignent des niveaux de valorisation et de levées de fonds qui rappellent l’âge d’or de la Silicon Valley…Tandis qu’OpenAI pourrait lever 100 milliards de dollars, en France la startup Mistral AI a bouclé une levée de fonds d’un peu moins de 100 millions d’euros avant même d’avoir lancé son premier service. Ces startups et géants de la tech sont issus de domaines variés : face à la chute des ventes de PC, AMD et Intel cherchent aussi à gagner des parts de marché tandis qu’IBM vient d’introduire une série de nouveaux services d’IA. Et, parmi les leaders du secteur, Meta prévoit d’utiliser l’IA générative pour créer des produits publicitaires. Et le fabricant de puces et de cartes graphiques Nvidia devient l’un des industriels incontournables de l’économie de l’IA. Résultat, cette entreprise, âgée de 30 ans, vient de dépasser brièvement 1000 milliards de dollars de valorisation, dans la cour des Amazon, Alphabet, Apple et cie. Cet intérêt pour l’intelligence artificielle n’est d’ailleurs pas propre aux acteurs et publics occidentaux : tandis que l’Inde tente de rattraper son retard dans le secteur, des chansons générées par l’IA deviennent virales en Chine.

L’IA bouleverse la production de l’information et l’écosystème des médias

Le 11 mai, la rédactrice en chef de Reuters a déclaré autoriser l’utilisation de l’IA dans ses dépêches. Ce faisant, l’agence de presse généralise la création et la publication automatisée de contenus à visée informative. Et l’audio n’est pas en reste : Anghami – le concurrent de Spotify au Moyen-Orient et en Afrique du Nord – a annoncé le lancement d’AI Newsroom, un podcast d’actualités quotidiennes entièrement généré par l’IA. Ce podcast est capable d’effectuer des recherches et d’organiser ses sujets de manière autonome, la technologie d’IA générant de nouveaux épisodes chaque matin (et récapitulant les informations de la veille). Mais attention, en réalité, l’usage de l’IA par les médias n’est pas nouveau : depuis 2016, le Washington Post recourt aux services d’un robot journaliste qui produit 1000 articles par an.

Si les chatbots accessibles au grand public ne sont pas encore tout à fait capables d’écrire des articles à la manière des journalistes, l’usage progressif de ces technologies au sein des rédactions interroge sur la manière dont l’IA traite l’information. Les IA conversationnelles type ChatGPT se soucient en effet moins de la vérité que du caractère plausible de leur propos. Basés sur des modèles statistiques, ces outils peuvent inventer des faits et des références, voire, s’ils sont manipulés, produire des articles entièrement faux. Récemment, la startup NewsGuard a publié une enquête édifiante révélant l’existence de 49 sites d’information dont les contenus seraient générés par des algorithmes d’IA. Cette pratique des « fermes de contenus » (des sites produisant des articles à la chaîne) interroge à bien des égards, la substance des sujets eux-mêmes pouvant s’avérer erronée. Les chatbots pourraient ainsi faciliter la production de fake news et aggraver la crise de confiance des citoyens envers l’information.

Par ailleurs, rappelons que les bases de données qui nourrissent les IA sont emplies de biais multiples, de par la contextualisation des données empilées. Et, si les chatbots sont censés présenter les informations avec neutralité, la manière dont ils ont été paramétrés et entraînés peut révéler les opinions de leur programmeur.

Dans ce contexte, le développement de technologies fiables et transparentes semble crucial pour un adopter un usage plus éthique des outils d’IA.

Cette semaine

Twitter étend son programme participatif de fact checking aux images.
En savoir plus

TikTok teste une IA générative au sein de son application pour faciliter la découverte de contenus.
En savoir plus

Apple Music Classical est disponible au téléchargement sur Android.
En savoir plus

Amazon abandonne la prise en charge des voix de célébrités sur Alexa.
En savoir plus

Apple et Meta présenteront prochainement leurs nouveaux casques de réalité virtuelle.
En savoir plus

Twitter se retire du code de l’Union européenne contre la désinformation.
En savoir plus

En bref @ Radio France

Dans la communauté noire de Tryon, en Caroline du Nord, Eunice est la seule petite fille à jouer du piano. Tous les dimanches, à l’église où sa maman est pasteur, elle accompagne les chants des fidèles. Le journal intime de Nina Simone, un podcast France Musique sur le destin exceptionnel de Eunice Kathleen Waymon devenue Nina Simone, également adapté en livre par Marianne Vourch.

La saison 4 du podcast Espions, une histoire vraie sur France Inter : des p ortraits d’espions et d’espionnes, français, américain, anglais, russe, israélien et irakien. De la Seconde Guerre mondiale à aujourd’hui, en passant par la Guerre froide, la Chine de Mao et le combat contre l’État islamique.
En savoir plus

Dans la saison 3 de la collection de podcasts Votre cerveau sur France Culture, la neuroscientifique Samah Karaki décrypte plusieurs aspects cognitifs de ce qui peut vous conduire à être créatif : motivation, collectif, tolérance à l’incertitude – écornant quelques mythes associés au talent.
En savoir plus

Le vrai du faux, un rendez-vous d’actualité et de « fact-checking » sur franceinfo, qui passe au crible les petites et grandes approximations qui circulent sur les sites web et les réseaux sociaux.
En savoir plus