Pierre Henry, un pionnier – Concert pour le temps présent
Pierre Henry et le temps présent : Ce concert ouvre le champs des musiques électroacoustiques à un plus large public en faisant se rencontrer les musiciens pop et les instrumentistes électroacoustiques.
L’oeuvre de Pierre Henry reste adressée à un public averti. Rarement ses pièces ont atteint le champs de la culture pop et du grand public, à l’exception de la Messe pour le temps présent qui a réussi l’exploit de réconcilier musique populaire et musique électroacoustique. Le programme de ce concert tend à reproduire l’exploit sur scène avec la compagnie Inouïe de Thierry Balasse
Concert pour le temps présent
Connaissez-vous Psyché Rock ? Spontanément, la réponse est non. Mais à l’écoute des premières notes, les visages s’éclairent : « Mais oui, bien sûr !».
Faites-en l’expérience sans tarder. Ce morceau emblématique du courant de musique électroacoustique s’inscrit dans une œuvre plus vaste du compositeur Pierre Henry, Messe pour le temps présent, qui scelle la rencontre entre musique populaire et musique expérimentale. Commande du chorégraphe Maurice Béjart à la fin des années 60, Psyché Rock est devenu célèbre lors de multiples reprises dans des films ou des publicités.
Ce concert se construit à partir de l’interprétation, pour la première fois en direct avec des instrumentistes sur scène, de la Messe pour le temps présent, composée en 1967 par Pierre Henry avec la complicité de Michel Colombier. La pièce était une commande de Maurice Béjart, destinée à être diffusée sur bande lors d’un ballet. Si cette pièce n’est pas la plus représentative du compositeur, elle a marqué son époque et les esprits, et a permis à un large public de découvrir la richesse des sons électroniques, en plein essor à cette époque. La Messe pour le temps présent inaugure la possible fusion entre une musique populaire et la musique électroacoustique, qui va ensuite se répandre dans tous les courants des musiques de studio (pop, rock, électro, rap, jazz). Il s’agit ici de rejouer cette pièce en mettant sur le plateau des instrumentistes pop et des instrumentistes électroacousticiens.
On mesure ainsi physiquement la symbiose qui n’avait eu lieu jusqu’à présent que virtuellement, par le biais de bandes de studio. Cette dynamique permet de voir le geste instrumental et redonne de l’espace à une musique mixée à l’époque en monophonie. Cette proposition apporte un éclairage nouveau sur une musique qui fait partie de notre patrimoine et de notre mémoire collective, et ouvre le champ des musiques électroacoustiques à un plus grand nombre de spectateurs.
Envol
Envol, pièce pour orchestre de haut-parleurs de Pierre Henry, est ainsi présentée par le compositeur :
Envol est un poème musical, de style ludique, ayant un rapport à la dynamique des oiseaux. Ici les nuances expressives sont, dans leur brièveté, proches de l’envol, sorte pour moi de nage aérienne. Les composantes naturelles d’Envol dérivent de tout ce qui vole. Traces décalées de roseaux, d’escaliers en boucle, de lac, de serpent burlesque qui crache, de sensation auditive, d’étourneaux, de faille et d’aube frémissante. Une musique courte qui s’esquive, qui s’envole. »
Cette pièce met en jeu l’orchestre de haut-parleurs si cher à Pierre Henry : 57 haut-parleurs sont disposés sur scène et dans la salle, permettant à la musique, créée en studio, de prendre tout son développement dans l’espace. Ce dispositif propose une expérience rare et inhabituelle pour le spectateur, convié à une écoute « pure », dite acousmatique, sans autre support visuel que l’orchestre de haut-parleurs.
Fusion A.A.N.
Placée dans le déroulé du concert entre les deux pièces de Pierre Henry, l’œuvre de Thierry Balasse propose un dialogue entre deux solistes (piano préparé et bagues-larsen) et orchestre pop. Fusion A.A.N. permet de retrouver des objets sonores présents dans Envol de Pierre Henry. Mais ils sont abordés avec les techniques qu’explore Thierry Balasse depuis plusieurs années : il utilise les bagues-larsen (instrument qu’il a inventé en 2002) qui permettent de « sculpter » les larsen dans l’air, et une captation « multimicros » du piano qui permet de le transformer en véritable orchestre à percussion spatialisé. Elle met également en jeu le dispositif de sons électroniques utilisé en 1967 par Pierre Henry en studio, complété par un système numérique très pointu et très rarement utilisé sur scène (système « Direct Stream Digital » sur station Pyramix) offrant des possibilités sonores inédites.
Enfin, nous avons fait reconstituer pour cette pièce un des instruments conçus par le GRM dans les années 60, offrant des interfaces de jeu très visuelles et spectaculaires, que nous avons fait fabriquer en lui ajoutant des systèmes de commande de nos instruments actuels. Ces différents instruments ont malheureusement été détruits avec l’arrivée des technologies numériques dont on pensait qu’elles rendaient ces appareils obsolètes. On se rend compte aujourd’hui qu’ils représentaient de formidables outils permettant aux musiciens de développer de véritables gestes instrumentaux, dimension qui tend à disparaître avec l’ordinateur. Fusion A.A.N. est l’occasion de composer avec les trois dimensions sonores que nous offre l’histoire de la musique : l’Acoustique, avec le piano préparé et les percussions ; l’Analogique, avec les larsen et le synthétiseur ; le Numérique, avec le système DXD Pyramix, à la recherche de cette fusion « AAN ».
Messe pour le temps présent
Cette œuvre nous plonge dans une écoute s’appuyant sur notre mémoire tout en créant un espace nouveau : le spectateur retrouve toute la dynamique rythmique très précise du travail de Pierre Henry, respectée au plus près, mais l’écoute est renouvelée par la présence des instrumentistes en direct et par l’éclatement de l’espace puisque la sonorisation utilise l’orchestre de haut-parleurs. La Messe pour le temps présent existe actuellement sous deux formes : une version disque, la plus connue du grand public, avec ses quatre mouvements (« Psyché Rock », « Jericho Jerk », « Teen Tonic », « Too fortiche »), et la version ballet utilisée par Maurice Béjart. La version interprétée ici propose un montage de ces deux versions, permettant de révéler des passages musicaux inconnus du grand public. Le compositeur a travaillé avec le chorégraphe très tôt (dès 1954 avec la Symphonie pour un homme seul) et a longtemps considéré que sa composition existait en tant que telle, qu’elle était par nature « chorégraphiable », mais qu’il ne devait pas travailler spécifiquement pour la danse. Il reconnaît toutefois que son amitié pour Béjart et le fait de le voir travailler ont fini par influencer le regard qu’il portait sur sa propre musique. Finalement, pour la Messe pour le temps présent, il fera exception dans sa démarche de création en choisissant de travailler avec le compositeur arrangeur Michel Colombier pour une dynamique pop évidemment très « dansante ».
Envol
Thierry Balasse
Fusion A.A.N
Pierre Henry et Michel Colombier
Messe pour le temps présent
Recréation sur instruments pour électronique et orchestre pop
Cécile Maisonhaute piano préparé, synthétiseurs, flûte, voix, guitare
Éric Groleau coquillage, eau, hang, cadre de piano, batterie
Éric Löhrer guitare électrique
Élise Blanchard basse et voix
Antonin Rayon synthétiseur, orgue Hammond
Julien Reboux trombone
Benoit Meurant spatialisateur, synthétiseurs, guitare
Thierry Balasse diffusion du son sur orchestre de haut-parleurs, cadre de piano, bagues-larsen, traitements numériques, synthétiseurs, cymbale, theremin et cloches tubulaires