« Welcome to Nay Pyi Taw » : plongée sonore en Birmanie
Dépaysement et envoûtement garantis ! Quelle est cette ville, Nay Pyi Taw, nouvelle capitale de la Birmanie, 67 fois la taille de Paris, construite à la hâte et en secret par la junte militaire? Amandine Casadamont et Alexandre Plank sont allés sonder avec leurs micros cette cité fantôme et silencieuse où rien ne semble dépasser, si ce n’est le bruissement de l’argent sale et les mantras serinés par la propagande via média et hauts-parleurs interposés. Ce voyage sonore a été coproduit par France Culture et Deutschlandradio Kultur et remixé en audio immersif pour 26 hauts-parleurs à l’occasion d’une projection du cinéma sonore de Radio France.
Située à 320 km au nord de Yangon, Nay Pyi Taw, la nouvelle capitale Birmane, a été construite de toutes pièces et dans le plus grand secret par la junte militaire entre 2004 et 2006. Elle a été bâtie loin des mers et des grandes villes, en pleine campagne, écrasant des villages de fortunes. Un emplacement stratégique choisit par le Général Thein Sein sur les recommandations d’un astrologue pour se protéger d’éventuels envahisseurs. Cette ville d’à peine plus d’un million d’habitants et de plus 200 000 militaires selon le gouvernement birman s’étend sur 7054 km2 – soit plus de 67 fois la taille de Paris.
Luxe et friche
Nay Pyi Taw est une ville à multiples facettes, à plusieurs vitesses et à géométrie variable. A première vue, elle est moderne, gigantesque, vide et presque familière. Tout paraît être fait pour la détente et les affaires, à l’inverse d’un Yangon pollué, bruyant et saturé.
Au second regard, on découvre des kilomètres de végétation en friche. Et sur le bord de la route, des constructions abandonnées, figées dans le paysage.
Plus tard encore, la ville ne nous paraît plus si vide car ses habitants vivent et se concentrent dans certains quartiers, en périphérie du grand Nay Pyi Taw et de ses espaces modernes et luxueux. Là où l’atmosphère ressemble d’avantage à celle des villes voisines : échoppes multicolores, vaches à clochette, chiens balafrés, poussière pénétrantes, garages bordéliques, karaoké éraillés, cantines « déclimatisées » et temples aux feuilles d’or.
WELCOME TO NAY PYI TAW – ( VIDEO TEASER FOR SOUND ART RADIO PIECE) from Amandine Casadamont on Vimeo.
On comprend que la ville a été construite sur de l’existant et que l’on essaye d’y bâtir la nouvelle Birmanie : moderne, faussement libérée et plus internationale. Un nouveau visage aux traits lisses, avenants et à peine maquillé se dessine.
Les perspectives sont grandes, à l’image de la ville.
Mais quand on tend l’oreille, on entend la Chine, premier investisseur du pays. Finalement, tout ça sent le gaz et le pétrole. Qui y a y t-il vraiment sous nos pieds ? Derrière les grandioses façades d’hôtels et les infrastructures nouvelles semble se tramer autre chose : une odeur d’argent sale chasse celle de l’encens et des épices. Un grand détournement, le coup du siècle, l’illusion est parfaite.
7054 km² de mensonge
Tout se passe là où rien ne semble se passer.
Et au loin, toujours, un mantra envoûtant tourne en boucle, invariable : à la télévision, à la radio ou dans les hauts-parleurs de rue.
Regardez ici, respirez l’air nouveau, chantez, priez, amusez-vous. On s’occupe du reste.
A partir de ce constat, Amandine Casadamont et Alexandre Plank proposent une création sonore composée de sons enregistrés à Nay Pyi Taw qu’ils ont arpenté durant trois semaines. Une composition entre musique concrète et documentaire pour raconter une histoire en deçà des mots et de l’analyse : pour donner à entendre et à vivre de manière sensible ce qui se joue aujourd’hui dans la capitale d’un pays en pleine mutation et au carrefour d’enjeux stratégiques et politiques majeurs.
Cet ACR est le fruit d’une co-production en Deutschlandradio Kultur et France Culture.